sábado, 27 de junio de 2015

Pablo Reinoso, exposition à la Maison de l'Amérique Latine, Paris.

Les formes sont vivantes

On ne voit pas toujours lorsque l’on regarde. Et pourtant, voir est une étape décisive pour connaître. Quelque chose qui se situe aux racines les plus anciennes de notre tradition culturelle : pour Platon déjà, l’accès aux Idées ou Formes intelligibles était à proprement parler un acte de vision, de contemplation. D’où l’importance des arts visuels, qui nous mettent sous les yeux des répertoires intenses, délimités dans la forme, nous permettant de voir de manière plus vive et profonde, y compris ce que habituellement nous ne parvenons pas à distinguer.
Cet élargissement, cette intensification du regard, est essentiel dans la trajectoire artistique de Pablo Reinoso depuis ses débuts. Son travail de la matière, de l’ébauche des formes par le dessin à la réalisation matérielle en trois dimensions, implique à chaque instant une vision dynamique des formes : celles-ci ne sont pas représentées immobiles ; leur mouvement intérieur est capté, ce qui en fait des êtres vivants, de la matière organique.

Ashes to Ashes [Cenizas a las cenizas]  (2003, 2015). Installation [Instalación].

Ainsi, dans les œuvres de Pablo Reinoso les formes se déploient, se prolongent et se projettent au-delà des limites censées les enfermer. Elles sont vivantes. Elles sécrètent des lignes et des fils par lesquels elles touchent le monde, des filaments qui leur permettent de se déplacer, de grimper, de dégringoler. Mobilier qui s’élève et se déplace sur des façades d’immeubles. Sculptures, coussins, qui respirent et exhalent de l’air. Les formes sont vivantes.
Voici quelques années, en 2002, Reinoso a réalisé une installation, Cenizas a las cenizas [Cendres aux cendres] où il laissait une libre et large place à ce dynamisme expansif des formes. Il s’agissait d’une maison, mais une maison en mouvement, soumise au tourbillon du temps et de la destruction. Alors qu’on pense entrer dans le vestibule d’un appartement ordinaire, on se rend vite compte que tout bouge : portes, lampes, et fenêtres ne sont pas au bon endroit. Et la cheminée nous accueille avec une langue de feu/bois qui nous emmène de l’illusion de permanence propre à la maison à l’évanescence des rêves.

Ashes to Ashes [Cenizas a las cenizas]  (2003, 2015), 2 . Installation [Instalación].

Autre exemple de dynamisme et de prolongement des formes, lors de sa splendide exposition à l’Instituto Cervantes de Paris en 2006 : Nudos de sombra [Nœuds/Nouages d’ombre], où des chaises et des fauteuils Thonet se disloquaient et s’éparpillaient, se dédoublaient et se projetaient dans l’espace comme des ombres. Une question, inévitable, se posait : sommes-nous sûrs que ce que nous voyons a réellement la forme que nous voyons ? Pablo Reinoso y apportait sa réponse : l’artiste est là pour introduire une ligne d’ombre qui bouleverse et interroge nos automatismes visuels et sensoriels habituels, en nous amenant à regarder le monde avec des yeux neufs.
Dans ses sculptures, ses installations, ses vidéos, Reinoso nous place devant un miroir décentré qui révèle que les choses ne sont pas aussi simples qu’elles en ont l’air. Mais en ont-elles l’air ? Si l’on regarde à travers la ligne d’ombre, tout bouge, rien n’est immobile. Les objets acquièrent une vie propre et grandissent sans contrôle, parallèlement à nos pulsions et nos affects, qui se trouvent pris dans les nœuds d’une obscurité imprévisible, déroutante. Des Nœuds ou des empreintes, constellations incertaines, cercles concentriques du désir.
Ainsi, de filaments qui croissent et s’étirent ont surgi des sculptures telles que les bancs spaghetti, d’une intention expressive particulièrement claire : les formes ne sont pas seulement là pour être vues mais aussi pour être mangées. Car il est connu que nous les humains sommes capables de manger aussi avec les yeux.
Ou aussi les cadres « firuletes », terme qui renvoie à un type de décoration superfétatoire, parfois de mauvais goût, mais aussi, dans le parler argentin, à un pas de danse compliqué. Ici, le cadre, qui habituellement délimite, s’enchevêtre, perd sa fonction classique qui est d’introduire de l’ordre et bouleverse complètement les notions de dedans/dehors : les formes s’entrecoupent, se superposent et poussent vers l’extérieur.

Les Trois Grâces [Las tres Gracias] (2012). Bois sculpté [Madera esculpida]. 
Env. [Aprox.] 700 x 250 cm. CU.

Une des réussites les plus accomplies de la série est son ensemble Las tres gracias [Les Trois Grâces] (2011), une œuvre d’une immense qualité plastique et d’une grande force conceptuelle et esthétique, basée sur le cadre ; elle représente le cadre à travers trois figures, les cadres ne délimitant pas cette fois quelque chose de concret mais le vide et leurs propres excroissances qui, comme d’étranges filaments naissant d’eux-mêmes, germent, poussent et se répandent.
De quoi nous parle cette œuvre triple, hypnotique et énigmatique en même temps ? L’importance esthétique du cadre a été soulignée par la philosophie contemporaine. Dans son essai « Meditación del marco » [Méditation sur le cadre] (1921), le penseur espagnol José Ortega y Gasset met en avant la fonction du cadre en tant que délimitation d’une proposition artistique. Si l’art, d’après Ortega y Gasset, est « une île », pour arriver à lui « un isolateur » est nécessaire : le cadre, qui a « quelque chose de la fenêtre, de même que la fenêtre a beaucoup du cadre ». Une remarque qui s’applique parfaitement à l’œuvre de Pablo Reinoso.
En outre, dans son livre La vérité en peinture (1978), Jacques Derrida affirme que le cadre soutient et contient ce qu’il encadre, qui sans lui s’effondrerait. S’il s’agit d’une œuvre (ergon), dont l’énergie (energeia) est celle de l’œuvre d’art, le cadre (parergon) protège des processus dont elle est le lieu. Il marque un arrêt qui scelle une crypte : l’œuvre dans son autonomie. Mais en reconnaissant cette césure, cet arrêt, l’œuvre l’intègre, la déborde et la fait sauter. Ici aussi, presque au sens littéral, comme dans Las tres gracias de Pablo Reinoso.
La représentation de trois figures féminines nues ou à demi nues, connues sous le nom des Trois Grâces, est un des éléments iconographiques les plus constants de notre tradition artistique. Selon diverses sources classiques, les Trois Grâces étaient des déesses, nées des amours de Zeus, qui servaient Aphrodite et étaient donc associées à l’amour, la beauté, la sexualité et la fertilité en tant que forces génératrices de vie. Mais si on remonte encore plus loin dans le temps, on peut trouver l’association, sur un plan mythique et symbolique, de ces trois figures féminines avec les Muses qui avec Apollon sont les protectrices de la poésie et des arts. Dans son beau livre La Déesse blanche (The White Goddess, 1948), Robert Graves affirme que la forme la plus ancienne de la muse est triple et correspond à la figure triple de la « déesse blanche », à la fois déesse de l’enfer, de la terre et du ciel. Ce n’est que vers le viiie siècle av. J.-C., sous l’influence thraco-macédonienne, que la triade des Muses serait passée à neuf, soit trois triades. Même si, conclut-il, toute cette pluralité de figures ne renverrait qu’à une seule origine : la Grande Déesse, ou déesse blanche, exaltation mythico-symbolique de la femme présente dans les strates culturelles les plus lointaines de l’humanité.

 Laocoonte (2014). Bois sculpté [Madera esculpida]. 150,5 x 186,5 x 35 cm.

Grâce-Muses-Femme-Cadre-Fenêtre, et l’idée formulée à la Renaissance par Leone Battista Alberti de la peinture (et, par extension, l’art) comme fenêtre symbolique de la représentation, se trouvent ainsi étroitement associés dans Las tres gracias de Pablo Reinoso. Dans cette triple figure, la flexion, l’inflexion, ou le pli du cadre sur lui-même, en fait un isolateur qui s’auto-questionne, se transformant ainsi en un triple point d’interrogation qui interroge le sens que prend ce qui normalement délimite ou isole : la matière de l’art, le corps de la représentation sensible. Las tres gracias rend ainsi patent le caractère ouvert de toute proposition artistique, qui ne reste vivante qu’à travers le processus par lequel les êtres humains se l’approprient et l’actualisent, de façons diverses, au fil du temps. C’est là notre miroir, l’au-delà auquel nous conduit le débordement de soi-même, la triple figure du cadre qui s’écoule…
Et ici, lors de cette exposition à la Maison de l’Amérique Latine, les formes continuent de s’écouler : le banc débordé de lui-même, vibrant et se prolongeant en filaments qui, questionnant notre regard, éveillent en nous un doute sur la stabilité des formes dans ce monde dans lequel nous vivons. Ou s’agirait-il d’images d’un autre monde, d’un monde inversé…?
Finalement, tout n’est que la mise en forme de ce qu’engendre notre pulsion scopique, notre désir de regarder. Jacques Lacan disait, à propos de Maurice Merleau-Ponty, que nous les humains « sommes des êtres regardés dans le spectacle du monde ». Ce que le psychanalyste dévoile, le flux du désir dans la pulsion scopique, dans la pulsion du voir, les artistes le montrent dans l’œuvre, dans le dispositif plastique qui met en jeu la vision.
C’est là que se situe l’élément central du travail artistique de Pablo Reinoso, son intention de donner vie aux formes. Ses œuvres transmettent connaissance et désir, révèlent que pour regarder il faut entrer et sortir, et que dans ce jeu entre dedans et dehors notre regard ne trouve rien d’autre que lui-même. La construction plastique devient un miroir symbolique qui a pour support le rayonnement et le rebondissement du regard. Le halo de la vision se dilate et se contracte, tel un poumon translucide. Les matériaux, aussi solides et compacts soient-ils, passent de couvrir à dévoiler.
Nous finissons ainsi par percevoir, de nouveau avec Lacan, que ce qui en réalité constitue le spectacle du monde c’est l’expansion du regard. Artiste ou spectateur, voyeurs irrépressibles, ils se trouvent dans un monde qui se révèle omnivoyeur. Omnivoyeur, « mais pas exhibitionniste », précise Lacan. Puisque, en dernière instance, la réciprocité entre le regard et ce qui est regardé favorise plus que n’importe quel autre plan l’alibi du sujet. Alibi : le regard enveloppant et circulaire cache ce qui le motive. Les formes sont vivantes et notre regard germe en elles.

* Pablo Reinoso: Un monde renversé; Maison de l'Amérique Latine, Paris, 1er. juin-31 juillet et 17 août-5 septembre, 2015. Commissaire: Jerôme Sans

PUBLIË: BeauxArts, numéro spécial, juin 2015, pp. 22-25.



Pablo Reinoso

Las formas están vivas

No siempre vemos cuando miramos. Y, sin embargo, ver es el paso decisivo para conocer. Algo que se sitúa en las raíces más remotas de nuestra tradición de cultura ya desde Platón, para quien el acceso a las Ideas o Formas inteligibles es propiamente un acto de visión, de contemplación. De ahí la relevancia de las artes visuales, que sitúan ante nuestras miradas repertorios intensos y delimitados de formas, gracias a lo cual vemos de manera más intensa y profunda, llegando incluso a lo que habitualmente no alcanzamos a ver.
Esa ampliación, intensificación, de la mirada es decisiva en la trayectoria artística de Pablo Reinoso desde sus inicios. Su trabajo escultórico, en una línea que va del esbozo de las formas en el dibujo a su realización material en tres dimensiones, implica en todo momento una visión dinámica de las formas. Éstas no se representan quietas, sino captando su movimiento interior, lo que las convierte en seres vivos, en materia orgánica.
Así, en las obras de Pablo Reinoso las formas se despliegan, se prolongan y proyectan más allá del límite en el que se pretende encerrarlas. Están vivas. Segregan líneas e hilos con las que tocan el mundo, filamentos que les permiten desplazarse, subir y bajar. Mobiliario que se eleva y desplaza por las fachadas de edificios. Esculturas, cojines, que respiran, exhalan aire. Las formas están vivas.
Hace ya años, en 2002, Reinoso concibió una instalación de piezas escultóricas: Cenizas a las cenizas, en la que daba libre e intenso espacio a ese dinamismo expansivo de las formas. Era una casa, pero una casa en movimiento, sometida al torbellino del tiempo y la destrucción. Al llegar a ella, uno piensa que entra en un apartamento con su recibidor. Pero pronto advierte que todo se mueve: puertas, lámparas y ventanas están fuera de lugar. Y la chimenea del hogar nos acoge con una lengua de fuego/madera que nos lleva de la ilusión de permanencia que implica siempre la casa a la evanescencia de los sueños.
Otro tipo de dinamismo y prolongación de las formas fue el que produjo con su rotunda exposición de 2006 en el Instituto Cervantes de París: Nudos de sombra, en la que las sillas y sillones Thonet se desmembraban y disolvían, pero a la vez se duplicaban y proyectaban en el espacio como sombras. La pregunta, inevitablemente, brotaba: ¿estamos seguros de que lo que miramos tiene realmente la forma con la que lo vemos? Pablo Reinoso proponía un giro: el artista es aquel que introduce una línea de sombra que subvierte e interroga nuestros automatismos visuales y perceptivos habituales, llevándonos así a mirar el mundo con ojos renovados.
En sus objetos escultóricos, en sus instalaciones, en sus vídeos, Reinoso nos sitúa ante un espejo descentrado que pone en evidencia que las cosas no son tan sencillas como parecen. Pero, ¿lo parecen? Si miramos a través de la línea de sombra, todo se mueve, nada está quieto. Los objetos cobran vida propia, y crecen descontrolados. En paralelo a nuestras pulsiones y afectos, que se ven enredados en los nudos de una oscuridad inadvertida, perturbadora. Nudos o huellas, constelaciones inciertas, círculos concéntricos del deseo.

Retour végétal [Regreso vegetal] (2015). 
Bois sculpté et acier [Madera esculpida y acero]. 102 x 314 x 95 cm.

Y de ahí, filamentos que se estiran y crecen, fueron surgiendo unas piezas, los bancos spaghetti, con una clarísima intención expresiva: las formas no son sólo para ver, sino también para comer. Porque es obvio que los humanos comemos con los ojos, y no sólo ingiriendo alimentos.
O, después, los marcos firuletes, un término que expresa un tipo de adorno superfluo y ocasionalmente de mal gusto, pero a la vez en el criollo argentino también un tipo complicado de paso de baile. El marco, que habitualmente delimita, se embarulla, pierde su función normal de introducir orden, y subvierte completamente las nociones de fuera y dentro, con lo que las formas se cortan, se superponen y crecen hacia lo abierto.
Uno de los logros más plenos en esa serie es su conjunto escultórico de Las tres gracias (2011), una obra de intensa calidad plástica y de una gran densidad conceptual y estética. La obra gira en torno al marco, es una representación del marco en una serie de tres figuras, pero en esta ocasión los marcos no delimitan algo concreto, sino el vacío, y sus propias excrecencias que, como extraños filamentos, germinan, crecen, y se expanden a partir de sí mismos.
¿De qué nos habla esta obra triple, hipnótica y enigmática a la vez? La relevancia estética del marco ha sido puesta de relieve por la filosofía contemporánea. En su ensayo "Meditación del marco" (1921), el pensador español José Ortega y Gasset señala la función de delimitación de una propuesta artística que cumple el marco. Si el arte, según Ortega y Gasset, es "una isla",  para llegar a él hace falta "un aislador": el marco, que tiene "algo de ventana, como la ventana mucho de marco". Palabras, estas últimas, que pueden perfectamente aplicarse a la obra de Pablo Reinoso.
Por otra parte, en su libro La vérité en peinture (1978), Jacques Derrida señala que el marco sostiene y contiene lo que enmarca, que sin él se desmoronaría. Si se trata de una obra (ergon), cuya energía (energeia) es la de la obra de arte, el marco (parergon) protege de los procesos de los que ella es el lugar. Marca una parada que sella una cripta: la obra en su autonomía. Pero, al reconocer esa cesura, esa parada, la obra la integra, la desborda y la hace saltar. También aquí, casi al pie de la letra, como en Las tres gracias, de Pablo Reinoso.
La representación de tres figuras femeninas desnudas o semidesnudas, conocidas como Las tres gracias, es uno de los elementos iconográficos más persistentes de nuestra tradición artística. Según diversas fuentes clásicas, las tres Gracias eran diosas nacidas de los amores de Zeus que pertenecían al séquito de Afrodita, y se asociaban con el amor, la belleza, la sexualidad y la fertilidad, entendidos como fuerzas generadoras de vida. Pero si nos remontamos aún más atrás en el tiempo, podemos encontrar la asociación, en un plano  mítico y simbólico, de estas tres figuras femeninas con las Musas, que junto con Apolo son las protectoras de la poesía y las artes. En su hermoso libro La diosa blanca (The White Goddess, 1948), Robert Graves indica que la forma más antigua de la Musa es la triple, que corresponde a la triple figura de la "diosa blanca" como diosa del infierno, de la tierra y del cielo. Sólo hacia el siglo VIII a. C., y bajo la influencia tracio-macedonia, la tríada de las Musas se habría ampliado a tres tríadas, a nueve. Aunque, concluye, toda esa pluralidad de figuras remitiría a una sola raíz, a la Gran Diosa, o diosa blanca, exaltación mítico-simbólica de la mujer presente en los estratos culturales más remotos de la humanidad.

 Retour végétal [Regreso vegetal] (2015) + Respirant [Respirante] (1999). 
Toile, ventilateurs [Tela, ventiladores], 300 x 260 cm.

Gracias-Musas-Mujer-Marco-Ventana, y la idea que en el Renacimiento formulara Leone Battista Alberti de la pintura (y, por extensión, el arte) como una ventana simbólica de la representación, se encuentran así estrechamente asociadas en Las tres gracias, de Pablo Reinoso. En esa triple figura, la flexión, inflexión, o pliegue, del marco sobre sí mismo, lo convierte en un aislador que se autocuestiona. Transformándose así en un triple signo de interrogación que pregunta por el significado de aquello que normalmente delimita o aísla: la materia del arte, el cuerpo de la representación sensible. La obra, Las tres gracias, hace de este modo patente el carácter abierto de toda propuesta artística, que permanece viva sólo a través del proceso por el que los seres humanos se apropian de ella y la actualizan, de formas diferentes, en el curso del tiempo. Ese es nuestro espejo, el más allá al que nos conduce el desbordamiento de sí mismo, la triple figura del marco que fluye…
Y ahora, para esta exposición en la Maison de l’Amérique Latine, las formas siguen fluyendo: el banco desbordado de sí mismo, vibrando y prolongándose en filamentos que, al cuestionar nuestra mirada, despiertan en nosotros la duda sobre la estabilidad de las formas en este mundo en el que vivimos. ¿O serán imágenes de otro mundo, de un mundo invertido…?

Milonga (2015). 
Chaussures, bois et fibres naturelles [Zapatos, madera y fibras vegetales]. 300 x 130 x 20 cm.

En último término, todo deriva de la plasmación en la forma de los giros que produce nuestra pulsión escópica, nuestro deseo de mirar. Decía Jacques Lacan, comentando a Maurice Merlau-Ponty, que los humanos “somos seres mirados en el espectáculo del mundo”. Lo que el psicoanalista desvela: el flujo del deseo en la pulsión escópica, en la pulsión de mirar, los artistas lo muestran en la obra, en el dispositivo plástico que pone en juego la visión.
Es ahí donde se sitúa el núcleo del trabajo artístico de  Pablo Reinoso, su intención de dar vida a las formas. Sus obras transmiten conocimiento y deseo, desvelan que para mirar hay que entrar y salir, y que en ese juego de dentro y fuera nuestra mirada no encuentra otra cosa que ella misma. La construcción plástica se convierte en un espejo simbólico, que tiene como soporte la irradiación y el rebote de la mirada. El hálito de la visión se expande y contrae, como un pulmón translúcido. Los materiales, por muy compactos y fuertes que sean, pasan de cubrir a desvelar.
Alcanzamos así a percibir, de nuevo con Lacan, que lo que constituye en realidad el espectáculo del mundo es la expansión de la mirada. Artista o espectador, mirones irreprimibles, se encuentran en un mundo que se desvela omnivoyeur. Puntualiza Lacan: omnivoyeur, “pero no exhibicionista”. Ya que, en último término, la reciprocidad de la mirada y de lo mirado propicia más que cualquier otro plano la coartada del sujeto. Coartada: la mirada envolvente y circular oculta lo que la mueve. Las formas están vivas, nuestra mirada germina en ellas.


* Pablo Reinoso: Un monde renversé; Maison de l'Amérique Latine, Paris, 1 de junio-31 de julio y 17 agosto-5 septiembre, 2015. Comisario: Jerôme Sans

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